Marzena Kawczynski est assistante de recherche clinique pour le projet RARENET. Elle est responsable du recrutement des patients pour la collection d’échantillons biologiques en odontologie et travaille en soutien des praticiens lors de l’inclusion de ces patients. Notre volontaire Interreg François Stockart l’a rencontrée et lui a posé quelques questions sur son rôle dans le projet et sur son expérience avec les patients atteints de maladies rares.
François Stockart (FS) : Bonjour Marzena. Vous travaillez depuis presque cinq ans à l’Université de Strasbourg, d’abord pour le projet Interreg IV sur les maladies à manifestation bucco-dentaire et puis maintenant pour RARENET. Quel a été votre parcours avant d’arriver à la faculté de Chirurgie Dentaire ?
Marzena Kawczynski (MK) : Bonjour François. J’ai d’abord fait une maitrise de cinq ans en biologie et travaillé plusieurs années en Pologne. Puis je suis venue en France, où je n’ai pas directement pu trouver un travail en rapport avec mes études. En Pologne, les formations sont souvent moins spécialisées qu’ici : un diplôme de biologie vous permet de trouver du travail dans l’enseignement, dans un laboratoire, etc. Mais en France, je me suis vite rendu compte qu’il était nécessaire de faire une formation complémentaire. J’ai eu l’occasion d’en faire une d’assistante en recherche clinique lorsque j’ai rejoint l’Université de Strasbourg et le projet sur les maladies rares à manifestation bucco-dentaire. Et puis, dans la continuité de ce projet, j’ai continué à faire le même travail pour RARENET.
FS : En quoi consiste donc exactement votre travail ?
MK : Je soutiens les praticiens pour l’inclusion de patients dans la base de données Phénodent. En pratique, au centre Hospitalier de Strasbourg, je leur fournis les formulaires de consentement, je vérifie que tout a bien été complété, que les kits pour le prélèvement contiennent suffisamment de salive, etc. Je fais un travail similaire avec les praticiens qui incluent des patients dans les autres hôpitaux français membres du projet : je leur explique la procédure à suivre pour inclure des patients, je leur envoie les formulaires de consentement, les kits de prélèvement, etc. Je reste aussi à leur disposition pour toute question par e-mail ou par téléphone et vérifie que tout a été fait correctement lorsque nous recevons les prélèvements. Il arrive qu’il manque une information ou une signature : je contacte alors le praticien pour l’en informer et nous essayons de trouver une solution.
FS : Cela fait beaucoup de missions différentes ! A quoi ressemble donc une journée type pour vous ?
MK : Je n’ai pas vraiment de journée type, mon emploi du temps est très variable. Je peux rester à mon bureau pour faire du travail administratif ou faire une mise au point avec mes collègues du laboratoire, mais aussi à tout moment être appelée en clinique pour soutenir un praticien pour l’inclusion d’un patient dans la collection. Je suis aussi présente aux évènements auxquels le projet participe, comme par exemple la Fête de la science ou la Journée internationale des maladies rares. C’est quelque chose que j’aime dans mon travail : il n’y a pas de routine, je ne sais jamais en avance comment une journée va se dérouler !
FS : Avez-vous dans votre métier beaucoup l’occasion d’entrer en contact avec les patients atteints de maladies rares ?
MK : Oui. Chaque fois que je vais en clinique pour soutenir les praticiens et récupérer les formulaires de consentements, je suis en contact avec les patients. La majorité d’entre eux sont des enfants. Nous parlons parfois de leur situation, leurs souffrances. Certains sont atteints de maladies syndromiques, et les problèmes de dents ne sont qu’un symptôme parmi beaucoup d’autres. Il est parfois compliqué de savoir ce qu’il est possible de dire sans blesser le patient. Aussi, certains enfants souffrent beaucoup des conséquences esthétiques de leur maladie. Ils doivent régulièrement subir les moqueries de leurs camarades de classe, qui ne comprennent par exemple pas que la couleur de leurs dents est liée à un problème au niveau de l’émail.
FS : Qu’est-ce qui vous marque le plus chez les patients que vous rencontrez ?
MK : Ce que je trouve vraiment admirable, c’est la façon avec laquelle certains parents gèrent la maladie de leurs enfants. Beaucoup sont prêts à tout pour trouver des solutions qui leurs permettront de mieux vivre. Et cela peut être très compliqué avec les maladies rares. Certains parents passent par plusieurs services et reçoivent la réponse : « on ne sait pas trop ce qu’il/elle a». Après cela, ils doivent retourner chez un autre spécialiste, sans garantie de solution, et ce parfois pendant plusieurs années. Même quand il y a une piste, les docteurs ne peuvent pas en dire trop parce que comme c’est des maladies rares, c’est difficile de donner un diagnostic précis. Mais malgré toutes ces frustrations, je vois beaucoup de parents qui gèrent la situation de façon vraiment impressionnante.
FS : Pensez-vous que le projet RARENET peut avoir un impact sur la vie des patients atteints de maladies rares ? Peut-il apporter un changement important pour certaines personnes ?
MK : Oui, bien sûr. Beaucoup de maladies à expression bucco-dentaires ont des facteurs génétiques. Les recherches faites dans le cadre du projet permettent de mieux comprendre ces facteurs, ce qui sera utile pour diagnostiquer d’autres patients dans le futur. Et puis les analyses génétiques faites dans le cadre du projet peuvent aussi parfois avoir des conséquences plus directement concrètes pour certains patients. Lorsque nous recherchons une mutation qui correspond au diagnostic clinique d’une maladie rare, nous faisons un screening de plus ou moins 600 gènes liés aux maladies à expression bucco-dentaire. Certains de ces gènes, quand ils portent des mutations, peuvent causer des syndromes qui ont jusque-là échappé aux médecins et dont les symptômes bucco-dentaires ne sont qu’une manifestation parmi d’autres. Il arrive que nous découvrions de telles mutations au cours de nos analyses. Dans tous les cas, nous envoyons les résultats de nos recherches à un généticien, qui fait une contre-analyse, collecte d’autres informations sur le patient et sa famille et s’occupe de les informer de ses conclusions. Notre première analyse peut alors en fin de compte donner accès au patient à des informations cruciales concernant son état de santé.
FS : Vous êtes en contact avec les partenaires Allemands du projet pour le recrutement et l’identification des patients. Pensez-vous que la coopération transfrontalière est une plus-value ?
MK : Oui, évidemment. Le projet permet d’avoir un cadre légal pour l’échange d’échantillons entre la France et l’Allemagne, ce qui nous donne accès à plus de données. Chaque échantillon est important : plus la cohorte de patients est importante, plus nous avons de chance de trouver des cas similaires. La coopération avec des hôpitaux allemands peut se révéler déterminante afin de comprendre certaines maladies et donc d’améliorer la prise en charge des patients.
FS : Dans un peu plus d’un an, le projet RARENET se finira. Si vous aviez l’opportunité de travailler sur un projet similaire ici à l’Université de Strasbourg, le feriez-vous ?
MK : Si je peux continuer à travailler sur les maladies rares en odontologie, sûrement. Mon travail me plait beaucoup : depuis 5 ans que je travaille ici, je ne me suis jamais ennuyée; il y a toujours quelque chose de nouveau !
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